samedi 29 juin 2013

Annabel, Kathleen WINTER, Christian Bourgeois, 2013, 454 p.



      Psychologique.
Une fois n’est pas coutume, je me permets de reproduire ici le commentaire de Géraldine, ma libraire, qui me semble parfait. « Fin des années 60, dans le Labrador canadien, naît un enfant qui n’est ni fille, ni garçon, mais les deux à la fois. Ses parents choisiront alors pour lui et en feront un garçon. Mais est-ce bien sa nature ? Sans voyeurisme aucun, avec une grande délicatesse, beaucoup d’intelligence et de sensibilité, l’auteure aborde un sujet rare et difficile (l’hermaphrodisme) et en fait un grand roman. Tout simplement magnifique. » Les portraits de Wayne, le garçon-fille ; de Treadway, le père qui aurait voulu un fils qui suive sa voix ; de Jacinta, la mère qui se sent complètement perdue ; de Thomasina, la voisine et l’amie qui a les pieds sur terre et de Wally Michelin, l’amie de Wayne qui rêve de devenir « une voix », sont admirablement décrits, avec pudeur et sans pathos. Oui, c’est un grand roman !

mardi 25 juin 2013

Quattrocento, Stephen GREENBLATT, Flamarion, 2013, 288 p. Citations et commentaire.




« La mort n’est rien pour nous. C’est folie de passer son existence dans les affres de l’angoisse de la mort. C’est le meilleur moyen de voir la vie nous échapper, sans en avoir profité ni l’avoir consommée. » (Lucrèce)

« Toutes les religions organisées sont des illusions plus ou moins superstitieuses. Ces illusions viennent des désirs, des peurs et d’une ignorance profondément enracinés. Les hommes projettent des images de la puissance, de la beauté et de la sécurité parfaites auxquelles ils aspirent. Façonnant ainsi leurs dieux, ils deviennent esclaves de leurs propres rêves.

«  Une fois libéré des superstitions, l’homme était libre de poursuivre son plaisir… (de vivre) ».

« L’or, l’argent, les pierres précieuses, les vêtements de pourpre, les maisons de marbre, les champs bien cultivés, les tableaux, les coursiers richement harnachés et les autres biens de la sorte apportent un plaisir muet et superficiel ; les livres procurent un plaisir profond. » (Pétrarque)

Qui peut encore se vanter d’avoir lu des “passages” du “De rerum natura » ! Ce fut pour moi le pire supplice de mes humanités greco-latines. Exercice de traduction, d’explications et de commentaires imposé par mon jeune et déjà érudit professeur de latin et de grec, Richard Bodéüs qui a par la suite obtenu une chaire de philosophie à l’Université de Montréal, considéré comme le plus éminent spécialiste d’Aristote. En 1971, ce maître surdoué était en plus frondeur : cheveux longs, barbe sauvage et lunettes hexagonales dorées. Grâce à lui, on a pu prendre plaisir à lire, à traduire et à commenter des « Odes » d’Horace expurgées des manuels scolaires par les jésuites : « Ode à la dive bouteille » et « Ode au dieu Priape », notamment, et nous ouvrir ainsi à l’épicurisme. Quel souvenir inoubliable ! Merci Maître Bodéüs.

lundi 24 juin 2013

Quattrocento, Stephen GREENBLATT, Flamarion, 2013, 288 p.



    
1417, c’est l’année où Poggio Bracciolini, dit le Pogge, humaniste, secrétaire apostolique « en vacances forcées » et chasseur de manuscrits rares découvre un exemplaire du « De rerum natura » de Lucrèce (Titus Lucretius Carus) que l’on croyait perdu à jamais mais présent dans le fonds d’une bibliothèque monastique suisse (Fulda ?). C’était l’occasion pour l’auteur d’une leçon sur la transmission des manuscrits anciens : papyrus, codex, volumen… mais plus encore sur le mépris de la religion catholique envers tous les auteurs, poètes, orateurs, dramaturges, scientifiques… d’avant J-C, considérés comme des auteurs païens. Le Quattrocento marque la transition entre l’obscurantisme médiéval et la  Renaissance ou le « souffle nouveau » dont le mouvement a été initié par Pétrarque par la re-découverte des écrits des Anciens et le développement de l’humanisme. Le « De rerum natura » est une œuvre poétique écrite en hexamètres dactyliques : « Un poème alliant un brillant génie philosophique et scientifique à une force poétique peu commune. (Cicéron) », « La langue est difficile, la syntaxe complexe et l’ambition intellectuelle considérable. (Le Pogge) » Ceci n’est pas un roman, mais un récit brillant et érudit (50 pages de notes et index) qui ravira tous les lecteurs friands de culture classique et les humanistes épicuriens.

vendredi 21 juin 2013

Défense de tuer, Louise PENNY, Actes Sud/Noirs, 2013, 406 p.



        Policier canadien.
L’inspecteur-chef des homicides Armand Gamache et son épouse passent quelques jours de vacances au Manoir Bellechasse, Québec, au bord du lac Massawippi, pour y fêter leur 35è anniversaire de mariage. Ils partagent l’auberge avec toute la famille Finney-Marrow. Il faudra attendre la page 116 pour que l’on trouve un cadavre. Ce policier classique (pas un polar) est tout empreint d’une atmosphère d’abord calme, puis lourde, pesante comme la chaleur qui vous tombe sur le dos juste avant l’orage. Dans ce coin reculé, pas de signal GSM, encore moins de connexion Internet ; il faudra donc enquêter à l’ancienne : pas de police scientifique, ni d’experts, ni de profiler non plus ; juste des policiers et des interrogatoires ! L’inspecteur Gamache ne se départit jamais de son flegme face à la famille Finney-Morrow, imbue d’elle-même , au cynisme hypocrite et aux sarcasmes amers, tout en respectant les convenances et les règles de bienséance. Enfin un excellent policier traditionnel et original à la fois qui nous plonge dans un huis clos à la psychologie extrêmement fine, loin des polars nordiques et US. C’est un très bon moment à passer !

lundi 17 juin 2013

Bloody Miami, Tom WOLFE, Robert Laffont, 2013, 610 p.



Rappelez-vous le succès mondial « Le bûcher des vanités » paru en 1987 et adapté 3 ans plus tard par Brian de Palma, ou la descente aux enfers d’un puissant dans l’Amérique raciale des années 80. Avec « Bloody Miami », Wolfe nous annonce « Le bûcher des vanités 2010 ».
Miami, melting-pot ethnique où Cubains, Latinos, Anglos (Americanos, Gringos, Blancos, Wasp), Afro-Américains, Nicos (Nicaraguayens), Haïtiens… tentent plus ou moins de cohabiter. D’un côté, le populo et de l’autre, les milliardaires, les arrivistes sans scrupules, les oligarques russes… On a droit à un descriptif sans concession d’une Amérique tout en contrastes : une galerie de personnages de milieux sociaux opposés, une espèce de comédie humaine. Il n’y a pas vraiment d’intrigue mais une succession de « tableaux » dans lesquels Nestor Camacho et Magdalena Otero servent en quelque sorte de fil conducteur. Si l’on excepte la ponctuation débridée, les onomatopées crispantes (et une 4ème complètement kitch), le style est coulant, souvent cru, haché, qui génère une forme de suspens. Pas vraiment un chef d’œuvre, mais une espèce de « reportage » très intéressant avec des réflexions acerbes sur l’art moderne, les psychiatres, les pornodépendants…